Pierre Gautreau : l’amant terrible ?

Faisons un bond de 2 siècles en arrière. Nous nous trouvons sur la commune de La Pommeraie (canton de Pouzauges en Vendée).
Ce 26 décembre 1812, le sieur François-Charles SICARD est trouvé mort au bout d’un bois attenant à sa maison de la Brunière. Il y est né le 10 mars 1757. Fils de Charles Sicard (Ecuyer, seigneur de la Brunière) et Dame Marie de Keremard, il aurait épousé en première noce Félicité Tharreau vers 1781 (dont il a divorcé le 7 Vendémiaire de l’an V). En seconde noce, il épousa Marie-Julie Leclerc à la Pommeraie-sur-Sèvre le 21 juillet 1798. De ce second mariage, il eut au moins 4 enfants : Hugues-Henri, Estelle Amédée, Marie-Antoinette et Pélagie-Florence.
En 1812, il se sépare de sa seconde femme et vit seul et sans servante dans sa maison. Il était alors criblé de dettes ; ses revenus étaient saisis ; ses meubles avaient été vendus.

Mais quel est le rapport avec les Gautreau de France ?

Laissez-moi vous présenter maintenant Pierre Thomas Marie GAUTREAU.

Pierre Gautreau est né le 29 décembre 1768. Il vit le jour dans la commune de la Garnache ainsi que ses 4 sœurs et 3 ou 4 frères. Trois des enfants de la fratrie décédèrent avant l’âge de 5 ans.

Son père, Pierre Gautreau (bon, il faut noter que Pierre est aussi le prénom de son grand-père et de son arrière grand-père) était un notable local : il exerçait la profession de procureur - Notaire royal (il fut notaire de la Garnache de 1771 à 1779). C’est également le cas de son oncle Etienne-Joseph qui fut successivement Sergent, Notaire royal et procureur puis notaire impérial à Challans.

Son frère Étienne fut receveur de l’enregistrement, des domaines et du timbre à Aizenay, puis à Challans. Nous aborderons dans un autre Trait d’Union le cas de son frère Louis ; sous-inspecteur aux revues de la garde impériale ; chevalier de légion d’honneur et de Saint-Louis ; Maire de Ballan près de Tours (actuel Ballan-Miré). Enfin, 2 de ses sœurs épousèrent des Capitaines au long cours. Lui-même était homme de loi à Pouzauges. Bref, une famille aisée sans souci.

Pierre Thomas Marie GAUTREAU semble avoir travaillé pour François-Charles Sicard et l’avoir assisté pour résoudre des affaires d’intérêt. C’est vraisemblablement à cette occasion qu’il succombe aux charmes de sa femme de 35 ans. En décembre 1812, il vivait avec elle. Il en aurait même eu un enfant. On aurait pu penser que le décès du mari laissait donc le champ libre aux tourtereaux. Ce ne fut pas le cas et pour cause.

Selon les indices relevés sur place, François-Charles Sicard avait été assassiné. Le crime avait été commis la veille – jour de Noël - quelques heures après la tombée de la nuit. L’état du lieu où fut trouvé le cadavre et plusieurs autres indices prouvèrent que le meurtre n’avait pas eu lieu dans le bois mais au contraire dans la maison du défunt. Il y aurait été étouffé.

L’enquête désigna son bordier Jean Bertaud, homme violent, qui, plusieurs fois, avait menacé l’existence de son maître, surtout depuis que ce maître lui avait donné congé. Jean Bertaud demeurait dans la cour à dix ou douze pas de la chambre où le sieur Sicard a été étranglé. N’ayant pu avoir agi seul, la veuve Julie Leclerc et son amant furent également désignés comme complices.
Ces trois personnes, ont été mises en accusation comme auteurs ou complices de l’assassinat de Sicard. Le jugement eut lieu en mai 1813 à Napoléon (actuelle Roche sur Yon). Le 29 mai à 7 heures du matin, après trois jours de débats, les jurés à l’unanimité ont déclaré que les trois accusés étaient coupables et ils ont en conséquence été condamnés à la peine de mort.

En homme de loi, Pierre Gautreau a eu recours au tribunal de cassation de Napoléon. La Cour de cassation, par arrêt du 2 juillet 1813, a cassé et annulé le jugement initial en considérant que la condamnation prononcée contre Gautreau et la veuve Sicard, n’a été basée sur aucune base légale car la complicité ne peut être établie que par des faits (infraction aux règles de compétence établies par la loi, et fausse application de la loi pénale). Quant au bordier Jean Bertaud, son jugement fut maintenu et il en a subi les conséquences à Napoléon le 28 juillet 1813 (en clair, il a expérimenté la Louisette – machine du docteur Guillotin).
Le périple judiciaire s’est donc poursuivi pour les 2 amants mais cette fois-ci, c’est à la cour d’assises d’Angers qu’ils sont jugés pour la troisième fois en fin d’année 2013. Dans cet intervalle, la veuve du bordier Bertaud a déclaré que son mari était bien véritablement coupable, mais qu’il avait eu pour associé dans son crime le nommé Morin de la commune de la Pommeraie. Ce dernier a été arrêté et conduit à Angers, pour être jugé avec Pierre Gautreau et Julie Leclerc.
Après cinq jours de débats, ces trois accusés ont été condamnés à être décapités sur la place de Fontenay, chef-lieu de l’arrondissement dans lequel le crime a été commis.

A partir de cette date, le mystère se créée car les registres de Fontenay font bien apparaître les décès de François Morin et de Julie Leclair guillotinés le même jour le 2 avril 1814 à Fontenay-le-Comte (à noter pour faire le parallèle entre la petite et la grande histoire que le même jour le sénat prononce la déchéance de l’Empereur Napoléon qui abdiquera 4 jours plus tard).
Mais, aucune mention n’est faite de Pierre Thomas Marie GAUTREAU. Son acte de décès n’a pas été retrouvé.
S’est-il pourvu efficacement en cassation (les archives seraient éventuellement aux archives nationales) ? Avait-il fait intervenir son frère Louis Gautreau, Maire de Ballan auprès de l’empereur ?
A-t-il réussi à s’enfuir avec l’aide de l’un de ses beaux-frères, capitaines de bateaux ?

Et vous, qu’en pensez-vous ?