Neveu de l’obtenteur de roses Victor Gautreau, Henri Gautreau eut lui aussi un penchant pour la création. Travailleur habile, appliqué et laborieux ; sans doute avait-il aussi hérité de son don inventif pendant les moments où, suite au décès de sa jeune mère, il fut élevé au biberon chez cet oncle de Seine-et-Marne.
Henri Gautreau ne créa pas de nouvelles roses pour le plaisir des dames mais il leur procura sans doute davantage de bien-être au quotidien par la conception de nouveaux ustensiles de cuisine et ménage. Son épouse Marie en fut la première bénéficiaire car Henri supportait mal de la voir peiner dans ses tâches ménagères. Il exigeait alors le calme absolu si le travail s’avérait minutieux.
Fils de chaudronnier et petit-fils de tisserand nantais, il sut mettre à profit l’expérience en ces deux domaines. La mise au point en 1935 du premier panier à salade métallique souple tissé à la machine en est un bel exemple. Mais son premier succès, Henri Gautreau l’obtiendra avec sa fabrique de réchauds à alcool (1889-1906). Cet appareil de chauffe servait de complément au gros poële ou au fourneau de cuisine. Il se plaçait souvent au centre de la table pour cuire ou réchauffer les petites quantités et s’emportait facilement en voyage. Henri Gautreau perfectionna ces appareils en remplaçant le corps à combustible en métal par un réservoir en verre très résistant, marqué des initiales H.G. Celui-ci s’avérait plus solide, plus esthétique et plus pratique d’entretien et de fonction. Il fut breveté le 18 novembre 1889 sous le n° 202012.
Cette idée de perfectionnement des réchauds datait du 22 novembre 1886, le jour où un début d’incendie se propagea dans son appartement. Le fond rouillé d’un réchaud en fer blanc, bousculé, laissa s’échapper le combustible qui s’enflammait et embrasait le grand rideau. Le drame provoquait le soir même la naissance prématuré de son premier fils. Prénommé aussi Henri, il vivra tout de même 96 années.
Henri et Marie eurent quatre autres fils vivants : Paul en 1894 (père du président de l’Association des Gautreau de France), Marius en 1900, Pierre en 1902 et Maurice en 1904. Fatigué par 15 années de perfectionnements, d’expositions (médailles d’or à Paris en 1897 et 1905) et de vente en France et à l’étranger de ses réchauds en verre, Henri Gautreau passait la main à un jeune ingénieur en 1906. La fabrique était alors à son apogée. Malheureusement son banquier peu scrupuleux s’enfuyait en Amérique du Sud avec la plus grosse partie de ses bénéfices. Il ne put être remboursé et le voleur court toujours.
Fortement abattu, Henri Gautreau repartait � zéro avec bientôt d’autres inventions et une nouvelle fabrique. Il participait aux premiers Concours Lépine et parvenait à faire connaître ses nouveaux produits grâce à Marie qui tenait le stand de démonstration dans les débuts. Après la “Salière à Sonnerie” en 1907, les meilleures ventes de cette période resteront à l’actif de sa “Bassine à Friture Gautreau” avec son couvercle spécial et ses poignées supports, mais surtout de sa “Marmitte-Jardinière à compartiments” qui fit l’objet d’un article assez complet dans le n°263 de la Revue Pratique des sciences OMNIA en 1911. C’est principalement à ces deux ustensiles que la Maison Gautreau doit ses trois Grands Prix et ses deux médailles d’or, obtenus à Paris, Châteauroux et Tulle de 1910 à 1913.
À son grand regret Henri Gautreau connut les trois guerres contre l’Allemagne qui furent autant de coups d’arrêts. Ses fils s’associaient avec lui en 1931, ils menèrent la fabrique jusqu’en 1968. Entre-temps plus de 60 brevets avaient vu le jour tout au long des 80 années de fabrications H.G.
En 1923 Henri Gautreau participa au Prix Barès, concours réservé aux « inventeurs français, pères d’au moins trois enfants, qui auront fait les découvertes les plus utiles à l’industrie française ». Le quatrième prix récompensa ses inventions et en janvier 1924 celles-ci furent détaillées dans la revue Recherches et inventions. La même année 1923 la Maison Gautreau participa au premier Salon des Arts Ménagers avec le septième prix pour l’ensemble de ses articles où figurait son “éplucheur-Laveur Gautreau”. Cet original ustensile à manivelle servit ensuite de modèle à Jean Mantelet, futur Moulinex, pour la conception de son premier “Moulin-Légumes”, sur lequel il bâtira son empire. Mais ceci est une autre histoire...